Depuis le 21 février dernier, le Cameroun connaît une grève des enseignants. Le mouvement nommé Opération Craie morte a été lancé par les enseignants du secteur public. A travers leur slogan On a Trop Supporté (OTS), ils déplorent le mauvais traitement à eux infligé qui les fait vivre dans des conditions de vie précaires. La rédaction de Ladiasporacamerounaise.org a rencontré une enseignante qui s’exprime sur le sujet sous anonymat.
Que pensez-vous de la grève des enseignants qui sévit au Cameroun ?
Les enseignants au Cameroun sont marginalisés, méprisés. Nous qui formons pourtant la société entière ne sommes pas respectés par cette même société. J’en veux pour preuve les multiples agressions tant verbales que physiques des autorités administratives à l’endroit des enseignants. Les élèves à qui nous sommes censés donner cette éducation nous crachent dessus. Récemment encore on a le cas du Principal qui s’est fait poignarder par son élève. Je pense réellement que cette grève qui sévit au Cameroun depuis quelques mois est légitime.
Au vue des situations précaires que connaissent les enseignants camerounais depuis belle lurette, selon vous, la décision de grève n’est-elle pas tardive ?
Il vaut mieux tard que jamais. Nous vivons dans un pays où la population est tellement intimidée. Le gouvernement est dans une politique de diviser pour mieux régner. Donc il n’est pas évident de faire l’unanimité quand on veut faire un mouvement de grève. Le mouvement OTS a certes été lancé de façon subite mais jusqu’ici il y a des établissements qui n’ont pas de meneurs. Et cela est dû au fait que le gouvernement camerounais a l’art de terroriser, de malmener et de maltraiter les meneurs de grèves. Donc je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles le mouvement a pris corps tardivement. Cette grève aurait dû avoir lieu il y a longtemps parce que rien ne va dans le corps enseignant. Nous nous sommes toujours plaints mais personne n’avait jamais eu le courage de prendre les devants et de dire menons telle ou telle autre action. Quand bien même certains auraient essayé de prendre les devants auparavant, on a vu l’action rapide du politique qui opte toujours pour le dialogue afin de tuer le mouvement dans l’oeuf.
Vous êtes une femme et sûrement une maman. Comme la plupart des enseignants qui sont parents, comment vous en sortez-vous dans ces conditions courantes qui suscitent le courroux actuel ?
Effectivement je suis une femme, une maman, un parent. Pour moi comme pour tous les autres enseignants la situation est vraiment très précaire. Si je dis que tout va bien c’est une véritable supercherie, une tromperie. Nous n’arrivons pas à joindre les deux bouts. Néanmoins on se bat tant bien que mal pour tenir debout.
Pensez-vous que les conditions sont meilleures dans les établissements privés ?
Dans les établissements privés je ne pense pas que les conditions sont meilleures. Tout au contraire. Je dirais qu’elles sont pires parce que les enseignants dans ces écoles-là sont payés à un montant plus ou moins bas par heure. Aussi, il faut savoir que les salaires n’y sont pas très réguliers. Lorsqu’on recrute un enseignant dans une école privée il est généralement payé jusqu’au mois de mars et après plus aucun salaire ne passe. Leur année scolaire s’achève souvent en Mars pour reprendre parfois en Octobre.
S’il vous était proposé les fonctions de médecin, avocat ou enseignant, à ce jour quel aurait été votre choix ?
J’ai l’impression que toutes ces fonctions ne brillent pas au Cameroun. Les médecins, avocats se plaignent tout comme les enseignants. Pour ce qui est du métier de médecin, il y a un ensemble d’Instituts Privées d’Enseignement Supérieur créées où vont se former des jeunes en médecine à des millions de francs. Mais à la fin il n’y a pas de recrutement. On décrit un manque de médecins dans les hôpitaux. Pendant ce temps les professionnels formés chôment. L’Etat ne les recrute pas. Nous ne comprenons pas pourquoi. A ce niveau je crois qu’être médecin n’aiderait qu’à soigner sa famille. Pour ce qui est de l’Avocat, puisque les décisions rendues ne sont jamais appliquées ; l’avocat va très souvent défendre un client qui n’a pas de moyens pour le payer, comment il va vire ? Je pense alors que ces trois métiers sont liée et ce sont des métiers pour lesquels si rien ne change je ne crois pas qu’il soit loisible d’y orienter un enfant.
D’après vous qui formez des générations montantes de Camerounais, quelles options professionnelles leur conseilleriez-vous pour leur bonheur ?
Conseil à donner aux enfants pour un choix professionnel pour son bonheur est peut-être l’auto emploi. Aller à l’école oui, pour atteindre un niveau, pour être capable de s’exprimer, de savoir dans une situation donnée les enjeux, ce qui lui profitent. Mais c’est difficile parce que quand on choisit une spécialité comptabilité, secrétariat par exemple, après le diplôme il n’y a pas d’emplois. Il est alors mieux pour les jeunes de sortir de leurs zones de confort et de s’auto employer.