Dans un récent article, nous avons abordé l’évolution de la diaspora camerounaise entre 1960 et 2018. Il a été mentionné que le nombre de camerounais à l’étranger avait quasiment triplé en 58 ans passant de près de 89.861 à environ 269.583 personnes reparties principalement dans les pays suivants : France, USA, Gabon, Tchad, Nigeria, Allemagne et Italie. Qu’en est-il des camerounais à l’étranger avant les années d’indépendance ?
Les migrations du peuple camerounais se sont multipliées à la fin de la deuxième guerre mondiale (1945) mais déjà dans les années 1940 on enregistrait un nombre faible de camerounais ayant quitté le pays. La crême de ceux qui constituent aujourd’hui la diaspora camerounaise (d’après l’esclavage) furent envoyés dans le cadre des bourses d’études octroyées par les puissances administratives en place à cette époque à savoir la France et l’Angleterre.
Pour la petite histoire, à la fin de la seconde guerre mondiale, le Cameroun ainsi que d’autres pays d’Afrique furent placés sous tutelle de l’ONU qui ordonna aux puissances coloniales de développer des systèmes éducatifs dans les différents pays. Cette décision fût motivée par l’ambition de permettre aux populations locales d’avoir l’opportunité d’acquérir les connaissances nécessaires pour diriger leurs pays respectifs après l’obtention de leur indépendance. Car, sachons-le, au début des années 1950, plusieurs pays en Afrique et même en Asie et en Occident réclamaient l’indépendance des peuples dominés, principalement africains. Une fois les systèmes éducatifs primaires et secondaires mis sur pieds dans les pays africains, l’on se rendit vite compte que des études supérieures étaient nécessaires pour acquérir la maîtrise des notions de gouvernance et de souveraineté des peuples. A cet effet, les administrations française et anglaise avaient mis sur pieds des systèmes de bourses d’études offertes aux étudiants camerounais les plus méritants et/ou désireux de poursuivre des études supérieures. C’est ainsi que les tout premiers camerounais quittent le leur pays dans l’optique d’aller poursuivre leurs études en métropole.
Soulignons tout de même que les étudiants camerounais boursiers n’auraient jamais dû sortir du pays si les deux puissances coloniales avaient suivi les recommandations du Conseil de tutelle qui exigeait la création d’écoles supérieures au Cameroun, mais la France et l’Angleterre estimaient que le nombre d’étudiants bacheliers à cette époque était insignifiant et ne nécessitait donc pas la création d’une université qui engrangerait des coûts énormes à des fins peu profitables.
Les migrants camerounais sous le régime français.
En 1946, une première cohorte d’étudiants camerounais, environ cent personnes, s’envole pour la France grâce à des bourses offertes à travers le Fonds d’Investissement pour le Développement Economique et Social (FIDES). L’année suivante, en 1947, on enregistre la présence de 15 étudiants camerounais bénéficiaires d’une bourse pour des études en médecine à Dakar au Sénégal. Après une baisse du nombre d’étudiants camerounais présents à l’extérieur, les chiffres repartent à la hausse et on enregistre les chiffres suivants : 57 en 1951, 82 en 1952, 106 en 1953 et 151 en 1954. Notons que ces chiffres ne concernaient que les boursiers pour les études supérieures (principale préoccupation de l’ONU). Cependant ces chiffres sont très différents en prenant en compte tous les boursiers indépendamment du niveau. Ainsi donc en 1951 on enregistrait 206 Camerounais boursiers en France dont 102 pour les études secondaires, 80 pour l’enseignement technique et 57 pour le supérieur. Eu égard de la préoccupation principale de l’ONU qu’était les études supérieures, le nombre de boursiers au niveau secondaire a été revu à la baisse passant ainsi de 108 en 1953 à 88 et 71 respectivement en 1954 et 1955. En 1957, on enregistre 83 étudiants camerounais à Dakar au Sénégal en plus de 90 autres présents en France.
Les migrants camerounais sous le régime anglais.
Contrairement au système français qui envoyait systématiquement ses boursiers en France, le Royaume Uni préfèrait envoyer ses boursiers dans ses colonies d’Afrique Occidentale. Néanmoins, une première cohorte d’étudiants camerounais, 20 plus exactement, s’envole pour leurs études en Angleterre en 1952. Parallèlement, à la même année, 11 autres camerounais s’envolent pour les pays africains sous domination britannique (la majorité des bourses étaient attribuées par la British Council et la CDC). Le Nigéria est le pays le plus sollicité par le gouvernement britannique pour les bourses aux étudiants camerounais. En 1957, on compte en tout 92 ressortissants camerounais repartis dans divers pays d’Afrique anglophone situés à l’ouest du continent : 16 étudiants au Nigéria, 02 au Ghana et 01 en Sierra Leone entre autres. En début des années 1958, vingt-sept (27) camerounais se retrouvent au Nigeria dans le cadre de leurs études.
Après la mise sur pieds du gouvernement du Cameroun méridional, un système de bourses est développé et permet le voyage de 24 camerounais pour des écoles outre-mer, 29 au Nigéria, 12 en Inde et aux Etats-Unis. L’année 1960 marque l’année de l’indépendence du Cameroun et de la création de la toute première école supérieure du Cameroun, l’Université Fédérale de Yaoundé. La création de cette université est la consécration des ambitions de l’ONU et des élites intellectuelles camerounaises qui veulent que les étudiants camerounais puissent être formés chez eux et pour eux. Nonobstant la création de l’Université Fédérale de Yaoundé, le nombre d’étudiants camerounais à l’étranger tourne autour de 1.000 personnes dont la majeure partie en France et au Royaume Uni. Au fil des années, les raisons qui emmènent les camerounais à l’étranger se sont diversifiées allant des études au tourisme en passant par l’exil et la recherche d’un emploi pour un avenir meilleur.